Selon la majorité des musulmans, la charia reste valable ad
vitam æternam, tout le temps et partout, quelles que soient l’époque et
les circonstances. Durant les deux générations qui suivirent les
indépendances, on a seriné que l’islam est un Tout, religion et État. Et
en évidant soigneusement les crânes à l’école, on a ouvert les portes à
l’extrémisme qui s’est faufilé sans aucune peine dans des esprits déjà
formatés par un enseignement religieux d’un autre âge.
Les
pouvoirs en place n’ont produit que ce qui est nécessaire à leur
pérennité : des êtres qui croient au destin, le mektoub, et non des
citoyens avec des droits et des devoirs. Seule, une révolution mentale
pourrait faire disparaître les ingrédients du fondamentalisme islamique
alors que les conditions de cette Intifada culturelle sont loin d’être
réunies. Pour s’en remettre, il faudrait désintoxiquer les esprits et
les âmes contaminées par l’islam, religion totalitaire par excellence.
La majorité des jeunes arabes d’aujourd’hui sont minés par l’idéologie
des Frères musulmans, secte fondée par Hassan al Banna en 1928 en
Égypte. Et en politique, comme le dit judicieusement Talleyrand, ce qui
est cru est plus important que ce qui est vrai.
Or, il suffit
d’ouvrir les yeux pour constater que ni l’intégrisme ni l’islam ne sont
difficiles à comprendre ! Ce qui est difficile, c’est de remettre en
question les discours populistes sur l’islam, de questionner librement
le populisme théologique islamique qui ressasse des slogans éculés tels
que : « L’islam est valable pour tous les temps et tous les lieux », «
Pas de contradiction entre islam et modernité », « L’islam est une
religion d’amour, de tolérance, de paix ». (RATP, comme disent certains
blagueurs qui parlent aussi d’ITT : Islam Tout Terrain !) Ce discours
passe très bien ; il est pratiqué depuis déjà deux siècles… depuis
l’entrée en contact du monde musulman avec le colonialisme. À partir de
cette rencontre avec l’Européen, le musulman prend conscience qu’il est
devenu « réactif » plus que créateur. Depuis, il est suspendu entre son
passé de dominant et son présent de dominé.
Face à cette situation
catastrophique, les penseurs arabes contemporains ont donc appelé à la
prise de conscience de ce retard vis-à-vis des Européens : ce que la
langue arabe a appelé Sadmat al-hadatha, le choc de la modernité.
Problématique formulée dans les années 1930 par Chakib Arselan :
pourquoi les musulmans régressent-ils alors que les autres avancent ? La
réponse ? Parce que les musulmans n’ont pas pu dépasser leurs dogmes
religieux et qu’ils restent maladivement attachés à la religion en
général. C’est cet attachement au patrimoine religieux qui pose
problème, même pour les musulmans installés hors du monde islamique.
Mais, devant cette réalité amère, la question pour moi n’est pas
celle-ci, du moins elle ne devrait pas être formulée ainsi.
La
vraie question, en fait, la mère de toutes les autres, est : « l’islam
est-il responsable de leur retard ou non ? » Les penseurs interrogés ont
tous répondu par la négative. Enfin presque tous ! Depuis les dits
‘réformistes’ de la Nahda arabe (Renaissance au XIXe siècle) jusqu’à
ceux qui sont appelés aujourd’hui « Les nouveaux penseurs de l’islam »,
on a essayé de bricoler une concordance plus que douteuse entre les
données du Coran et les acquis de la modernité.
Par
Hamid Zanaz / auteur entre autres de “D’où vient la violence islamique”
éd. de Paris, Octobre 2016 et ” Pourquoi A. Camus a-t-il choisi sa
mère ?” (En langue arabe ), éd. Dar el djazairia, Alger , Décembre
2016 .
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