Les observateurs de la politique israélienne ont l’habitude de citer les propos de l’ancien ministre des Affaires Etrangères Abba Eban, qui affirmait qu’en Israël la politique étrangère était le plus souvent dictée par la politique intérieure. On a pu constater, en effet, à plusieurs reprises qu’un Premier Ministre se trouvait dans l’incapacité de prendre des décisions en politique étrangère lorsque celles-ci menaçaient la coalition en place, ou bien, comme ce fut le cas des Accords d’Oslo, le gouvernement avait dû monnayer le soutien d’un député de l’opposition pour obtenir la majorité. Le principe énoncé par Abba Eban est-il toujours pertinent ? Depuis quelques mois nous assistons à un véritable changement de la situation géopolitique d’Israël. Malgré les majorités systématiques qui condamnent Israël dans les forums internationaux, la diplomatie israélienne a enregistré d’importants succès. Israël n’est plus isolé, il signe des contrats d’échanges commerciaux sans précédent avec les grands pays émergents comme l’Inde et la Chine, il recrée des partenariats avec de nombreux pays africains, il dialogue avec la Russie sur les questions sécuritaires régionales, et surtout il participe de facto à une alliance stratégique avec l’Egypte, l’Arabie saoudite et les Emirats dans la lutte contre le djihadisme et l’Iran. Certes tout n’est pas à mettre au crédit du Premier Ministre israélien, mais son lien direct avec l’administration Trump lui donne la liberté d’investir son énergie dans le développement de relations avec d’autres nations. Or, on le sait, Netanyahou est fragilisé par ce qu’il est convenu d’appeler des « affaires » et est impliqué dans des enquêtes pour lesquelles il a été interrogé à plusieurs reprises. La question que se posent les Israéliens est celle de l’alternative, au cas où Netanyahou serait mis en examen dans le cadre d’une des enquêtes en cours. Dans son parti on ne voit pas encore un véritable leader, capable d’assurer la succession, et dans l’opposition les candidats potentiels sont aussi totalement dénués d’expérience sur le plan international. La police et la justice doivent faire leur travail, mais elles ne sont pas en mesure, selon la nature de ces enquêtes d’aboutir rapidement à des conclusions solides. De nombreux Israéliens opposés à Netanyahou sur le plan de la politique intérieure reconnaissent qu’il a réussi ces derniers mois, surtout après le départ d’Obama, à renforcer la position d’Israël et à assurer au mieux la sécurité aux frontières, notamment en intervenant efficacement en Syrie. Une crise politique, avec éventuellement à la clé des élections anticipées risquerait de provoquer un bouleversement dangereux, et surtout de gâcher les acquis d’une politique étrangère qui commence à porter ses fruits. Malgré la mauvaise opinion qu’ont les Israéliens de la classe politique, il faut espérer qu’elle saura faire preuve de responsabilité et de sang-froid pour éviter la paralysie de la diplomatie israélienne et le chaos institutionnel. Certes la Knesset est devenue une foire d’empoigne où les invectives se métamorphosent parfois en insultes, mais il me semble essentiel que les leaders politiques actuels des principaux partis mettent de l’ordre dans cette assemblée et dépassent certaines rivalités pour apporter un peu de sagesse et de bon sens. La politique n’est pas une histoire d’amour, mais elle doit avant tout donner la priorité au bien commun, et non à la défense des intérêts particuliers. N’oublions jamais que même imparfait nous n’avons qu’un seul Etat, un Etat de droit et de justice.
Michaël Bar Zvi -
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